{{TextSubpage |textSubIntro=The French translation below was published as Traité de la Continuité suprême du Grand Véhicule: Mahāyānottaratantraśāstra, avec le commentaire de Jamgön Kongtrul Lodreu Thayé L'Incontestable Rugissement du lion. Plazac: Éditions Padmakara, 2019.
This new translation of the famed Gyu Lama, or Ratnagotravibhāga Mahāyānottaratantraśāstra, represents a major step forward in providing access to key Buddhist literature for Francophones. The book includes a translation of the whole text with commentary by the nineteenth-century Tibetan master Jamgon Kongtrul and has a full bibliography, notes, glossaries and appendixes covering the key Buddhist source texts and an outline of the Tibetan commentary, as well as specialized indexes. |textSubLanguage=French |textSubMessage=Charrier, Christian and Patrick Carré. Traité de la Continuité suprême du Grand Véhicule - Mahāyānottaratantraśāstra, avec le commentaire de Jamgön Kongtrul Lodreu Thayé L'Incontestable Rugissement du lion. Plazac: Éditions Padmakara, 2019. |textSubContent=Translated by Christian Charrier and Patrick Carré. Plazac: Éditions Padmakara, 2019.
Traité de la Continuité suprême du Grand Véhicule
En sanskrit : Mahāyāna-uttara-tantra-śāstra.
En tibétain : Theg pa chen po’i rgyud bla ma’i bstan bcos.
En français : Traité de la Continuité suprême du Grand Véhicule.
Hommage à tous les bouddhas et les bodhisattvas !
- Le Bouddha, le Dharma, la Communauté, l’Élément, l’Éveil,
- Les qualités et, enfin, les activités éveillées
- Le corps du traité tout entier se ramène
- À ces sept points de vajra.
(I, 1)
- On connaîtra ces sept points selon leurs caractéristiques propres
- Et dans le même ordre. Les trois premiers viennent
- De l’introduction du Soûtra du Roi Dhāraṇīśvara
- Et les quatre derniers de la classification
- des qualités des Vainqueurs et des sages.
(I, 2)
- Du Bouddha vient le Dharma et du Dharma
- la Communauté des êtres sublimes.
- De la Communauté vient l’obtention de la quintessence,
- l’Élément de la sagesse primordiale.
- Enfin, l’obtention de cette sagesse est l’Éveil suprême doté des forces
- Et des autres qualités utiles au bien de tous les êtres.
(I, 3)
- À celui qui, de lui-même, s’est éveillé à la paisible bouddhéité
- dépourvue de commencement, de milieu et de fin,
- Qui, pleinement éveillé, montre la voie indestructible et éternelle
- pour que les non-réalisés se réalisent,
- Qui brandit le vajra suprême, l’épée de la sagesse et de la compassion,
- et tranche les pousses de la souffrance.
- À lui qui abat le mur des doutes cerné par la jungle des vues,
- je rends hommage.
(I, 4)
- La bouddhéité est inconditionnée, spontanée,
- Réalisée sans conditions étrangères,
- Pourvue de sagesse, de compassion et de puissance,
- Ainsi que des deux bienfaits.
(I, 5)
- Comme par nature elle n’a ni commencement,
- Ni milieu, ni fin, elle est incomposée.
- Douée de la paix du corps absolu,
- On la dit spontanée.
(I, 6)
- Sa réalisation ne dépend pas de conditions étrangères
- Car chacun la réalise par soi-même.
- En raison de ces trois réalisations, elle est sagesse ;
- Comme elle montre la voie, elle est compassion.
(I, 7)
- Elle est puissance parce que la sagesse et la compassion
- Éliminent les souffrances et les affections.
- Les trois premières qualités représentent le bien propre,
- Et les trois dernières le bien d’autrui.
(I, 8)
- À ce qui n’est ni inexistant, ni existant, ni existant et inexistant,
- ni autre qu’existant et inexistant,
- Qui est impossible à analyser, indéfinissable,
- connu par l’expérience personnelle, en paix,
- Immaculé, rayonnant de la lumière de la sagesse primordiale,
- Et qui, pour tout objet perçu, détruit l’attachement,
- l’aversion et la taie [de l’ignorance]
- Au soleil du vrai Dharma, je rends hommage.
(I. 9)
- Inconcevable, libre de deux [voiles] et de la pensée,
- Le Dharma est pureté, clarté et antidote.
- Libre de l’attachement dont il délivre,
- Il a pour caractéristiques les deux vérités.
(I, 10)
- La libération de l’attachement se ramène
- Aux vérités de la cessation et de la voie.
- On saura que dans cet ordre
- Chacune possède trois qualités.
(I, 11)
- Non analysable, inexprimable,
- Connu des [seuls] êtres sublimes, il est inconcevable.
- Paix, il est libre des deux [voiles] et de la pensée ;
- Sa pureté et ses deux autres qualités l’assimilent au soleil.
(I, 12)
- Comme l’esprit est par nature luminosité, ils voient
- que les affections n’ont pas d’essence,
- Si bien qu’ils réalisent correctement la paix,
- l’inexistence ultime du soi de tous les êtres.
- À ceux qui voient la présence en tous de la bouddhéité parfaite
- car ils ont une intelligence libre de voiles ;
- À ceux dont la vision de sagesse a pour objet
- la pureté et l’infinité des êtres, je rends hommage.
(I, 13)
- Comme le regard de leur sagesse intérieure
- Sur l’essence des choses et leur diversité est pur,
- L’assemblée des sages qui ne régressent plus
- Possède d’insurpassables qualités.
(I, 14)
- Avec la réalisation de la vraie nature
- Paisible des êtres, ils [connaissent] l’essence des choses.
- La nature [de l’esprit] étant totalement pure,
- Les affections y sont épuisées dès l’origine.
(I, 15)
- Avec l’intelligence qui réalise l’état ultime des phénomènes,
- [Ils connaissent] la diversité parce qu’ils voient
- L’omnisciente essence du réel
- Présente en tous les êtres.
(I, 16)
- Cette réalisation est la vision
- Que chacun connaît par soi-même.
- Elle est pure parce que, dans l’immensité immaculée,
- Il n’y a pas d’attachement ni d’obstacles
(I, 17)
- Comme leur vision de sagesse est pure
- Et [proche de] l’insurpassable sagesse des bouddhas,
- Les êtres sublimes qui ne régressent plus
- Sont des refuges pour tous les êtres vivants.
(I, 18)
- On a instauré le triple refuge en considération
- Du maître, de l’enseignement et des disciples,
- Du point de vue des adeptes des trois véhicules
- Et des aspirations aux trois activités.
(I, 19)
- Ni le Dharma sous ses deux aspects ni la sublime assemblée
- Ne sont de suprêmes refuges promis à durer.
- L’un parce qu’il faudra le laisser derrière soi,
- parce qu’il est trompeur et qu’il n’existe pas ;
- Et l’autre parce qu’on y trouve encore de la peur.
(I, 20)
- Au sens le plus sacré, les êtres
- N’ont qu’un seul refuge : le Bouddha,
- Car le Sage a pour corps le Dharma
- Et qu’il est le but ultime de la Communauté.
(I, 21)
- Les « Joyaux » sont ainsi nommés
- Pour leur rareté, leur pureté et leurs pouvoirs,
- Parce qu’ils sont les ornements du monde
- Et parce qu’ils sont suprêmes et immuables.
(I, 22)
- De l’ainsité avec et sans souillures,
- Des qualités immaculées des bouddhas
- et de leurs activités de Vainqueurs
- Émergent les Trois Joyaux de vertu,
- L’objet même de ceux qui voient la vérité absolue.
(I, 23)
- La filiation spirituelle des Trois Joyaux
- Est l’objet de ceux qui voient tout.
- Les quatre points sont inconcevables
- Pour quatre raisons. Respectivement :
(I, 24)
- Parce que [l’Élément] est pur mais encore associé aux affections ;
- Parce que [l’Éveil] est dépourvu de souillures et pourtant purifié ;
- Parce que les qualités ne sont pas séparées [de l’essence du réel] ;
- Et parce que les [activités] spontanées ne recourent pas à la pensée.
(I, 25)
- L’objet de la réalisation, la réalisation,
- Ses attributs et ce qui amène à la réalisation
- De ces quatre points, le premier est la cause
- De la purification et les trois autres ses conditions.
(I, 26)
I - LA QUINTESSENCE DES TATHĀGATAS
- Comme le corps des parfaits bouddhas rayonne,
- Que l’ainsité est indifférenciée,
- Et que la filiation spirituelle existe,
- Tous les êtres sont toujours porteurs de la quintessence des bouddhas.
(I, 27)
- Comme la sagesse des bouddhas imprègne la multitude des êtres,
- Que sa nature immaculée est non duelle
- Et que la filiation spirituelle des bouddhas est une métaphore du fruit,
- Il est enseigné que tous les êtres sont porteurs
- de la quintessence des bouddhas.
(I, 28)
- L’essence, la cause, le fruit, la fonction,
- La dotation, la manifestation, les états et l’omniprésence,
- L’immutabilité perpétuelle et les indissociables qualités
- Voilà les points qui permettent de comprendre la dimension absolue.
(I, 29)
- Pure comme un joyau, comme l’espace ou comme l’eau,
- Sa nature demeure à jamais libre des affections.
- Elle émerge de l’aspiration au Dharma, de la connaissance supérieure,
- Du recueillement et de la compassion.
(I, 30)
- Comme elle est puissante, immuable,
- Et de nature humide,
- Elle est analogue
- Au précieux joyau, à l’espace et à l’eau.
(I, 31)
- L’aversion pour le Dharma et la vue du soi,
- La peur des souffrances du saṃsāra
- Et l’indifférence au bien des êtres
- Sont respectivement les voiles des hédonistes,
- Des hétérodoxes, des auditeurs et des [bouddhas] nés d’eux-mêmes.
- L’aspiration supérieure et les trois autres qualités
- Sont alors les causes de leur purification.
(I, 32-33)
- Ceux qui ont eu pour graine l’aspiration au véhicule suprême,
- Pour mère la connaissance qui produit les qualités des bouddhas,
- Pour matrice la félicité de la concentration,
- et pour nourrice la compassion,
- Ceux-là sont assurément les enfants et les successeurs des Sages.
(I, 34)
- Le fruit est la perfection transcendante des qualités
- De pureté, de soi, de félicité et de permanence.
- Il a pour fonction le dégoût de la souffrance,
- L’aspiration à la paix et le vœu de l’atteindre.
(I, 35)
- En résumé, le fruit de ces [quatre causes]
- Consiste en ces antidotes qui s’opposent
- Aux quatre types de méprises
- Relatives au corps absolu.
(I, 36)
- [Le corps absolu] est pureté parce qu’il est pur par nature
- Et qu’il n’a plus d’imprégnations karmiques.
- Il est le vrai soi parce que les élaborations
- Du soi et du sans-soi y sont apaisées.
(I, 37)
- Il est félicité parce qu’il a renoncé aux agrégats
- De nature mentale et à leurs causes.
- Il est permanence parce qu’il réalise
- L’égalité du saṃsāra et du nirvāṇa.
(I, 38)
- Les compatissants ont coupé sans reste la soif du soi
- avec la connaissance transcendante ;
- Et comme ils ont soif des êtres vivants, ils ne consomment pas la paix.
- Avec l’intelligence et la compassion pour méthodes d’Éveil,
- Les êtres sublimes ne se tiennent ni dans le saṃsāra ni dans le nirvāṇa.
(I, 39)
- Si nous n’avions pas d’élément de bouddha,
- Nous ne nous lasserions pas de souffrir
- Et ne voudrions pas d’un nirvāṇa
- Qui ne nous inspirerait ni intérêt ni désir.
(I, 40)
- Le fait de voir que le saṃsāra a pour défaut la souffrance
- Et que le nirvāṇa a pour qualité le bonheur
- Est dû à la présence de la filiation spirituelle –
- Ce n’est pas le cas chez ceux qui en sont dépourvus.
(I, 41)
- Source inépuisable de joyaux aux qualités infinies,
- [L’Élément] ressemble au Grand Océan.
- On le compare aussi à une lampe car, en essence,
- Il possède d’indissociables qualités.
(I, 42)
- Comme [cet Élément] inclut les domaines du corps absolu,
- De la sagesse des Vainqueurs et de la compassion,
- L’enseignement le compare à l’Océan
- Sous le rapport du réceptacle, des joyaux et de l’eau.
(I, 43)
- Dans la base immaculée, les connaissances extraordinaires,
- La sagesse primordiale et l’absence de souillures
- sont indissociables de l’ainsité.
- Voilà autant de qualités qui correspondent à celles d’une lampe –
- La lumière, la chaleur et les couleurs.
(I, 44)
- Comme l’ainsité se manifeste différemment
- Chez les êtres ordinaires, les êtres sublimes
- Et les parfaits bouddhas, Celui qui voit le réel
- Montre aux êtres leur essence de Vainqueurs.
(I, 45)
- Les êtres ordinaires sont dans l’erreur ;
- Ceux qui voient les vérités s’en détournent ;
- Et les tathāgatas sont tels quels,
- Dégagés de l’erreur et des élaborations conceptuelles.
(I, 46)
- Les [états] impur, impur et pur, et très pur
- Sont respectivement appelés
- « Être ordinaire », « bodhisattva »,
- Et « tathāgata ».
(I, 47)
- On ramène l’Élément à son essence
- Et aux cinq autres points
- Pour l’enseigner en fonction
- Des trois états et de leurs trois noms.
(I, 48)
- De même que l’espace qui a pour essence
- De ne pas penser se répand en tout lieu,
- De même, la nature de l’esprit est omniprésente
- Comme l’immensité immaculée.
(I, 49)
- Ce caractère général imprègne
- Les défauts, les qualités et l’ultime,
- À l’image de l’espace [qui pénètre] toute forme
- Inférieure, moyenne ou supérieure.
(I, 50)
- Vu le caractère adventice de ses défauts
- Et le caractère naturel de ses qualités,
- Telle elle était, telle elle sera
- L’essence du réel est immuable.
(I, 51)
- De même que, du fait de sa subtilité,
- Rien ne peut souiller l’espace omniprésent,
- Rien ne peut souiller cette présence
- En tous et en chaque être.
(I, 52)
- De même que tous les mondes
- Naissent et meurent dans l’espace,
- De même les facultés des sens naissent
- Et meurent dans l’immensité inconditionnée.
(I, 53)
- Tout comme, jusqu’à ce jour,
- Aucun feu n’a jamais consumé l’espace,
- Cette [essence] ne se consume pas aux feux
- De la mort, de la maladie et de la vieillesse.
(I, 54)
- La terre s’étend sur l’eau et l’eau sur le vent ;
- Le vent [s’étend] dans l’espace, mais l’espace
- Ne repose pas sur les éléments vent
- Ou eau, ni sur l’élément terre.
(I, 55)
- Les agrégats, les domaines et les sens
- Reposent sur les actes et les affections ;
- Les actes et les affections reposent
- Toujours sur les activités erronées du mental.
(I, 56)
- Les activités erronées du mental reposent
- Elles-mêmes sur la pureté de l’esprit,
- Mais la nature de l’esprit
- Ne repose sur aucun de ces phénomènes.
(I, 57)
- Sachez que les agrégats, les domaines et les sources
- Sont semblables à l’élément terre.
- Sachez aussi que les actes et les affections des êtres
- Évoquent l’élément eau.
(I, 58)
- Considérez les activités erronées du mental
- Comme l’élément vent. Quant à la nature
- [De l’esprit], elle n’a pas de fondement
- Et ne repose sur rien, comme l’élément espace.
(I, 59)
- Les activités erronées du mental
- Reposent sur la nature de l’esprit ;
- Des activités erronées du mental
- Procèdent les actes et les affections.
(I, 60)
- De l’eau des actes et des affections
- Émergent les agrégats, les domaines et les sources
- Qui apparaissent et disparaissent comme
- [Les mondes] qui naissent et se détruisent.
(I, 61)
- Pareille au domaine de l’espace, la nature
- De l’esprit n’a ni cause ni condition
- Et n’est pas une combinaison ; elle n’a pas non plus
- De naissance, de cessation et de durée.
(I, 62)
- La nature de l’esprit, qui est luminosité,
- Est immuable comme l’espace.
- Nées d’idées fausses, les souillures adventices
- Comme l’attachement ne l’affecteront jamais.
(I, 63)
- L’eau des affections et des actes
- Ne saurait la produire, guère plus
- Que ne sauraient la consumer les feux insupportables
- De la maladie, de la vieillesse et de la mort.
(I, 64)
- Les feux de la mort, de la maladie
- Et de la vieillesse sont respectivement
- Comparables au feu de la fin des temps,
- Au feu des enfers et au feu ordinaire.
(I, 65)
- Les sages [bodhisattvas] qui ont correctement réalisé
- la nature [de l’Élément]
- Sont libres de la naissance, de la mort, de la maladie et de la vieillesse.
- Or, même libres de toute adversité, et en raison de cela même,
- Ils manifestent la naissance et le reste par compassion pour les êtres.
(I, 66)
- Les sublimes [bodhisattvas] ont dissipé les souffrances
- De la mort, de la maladie et de la vieillesse.
- La naissance dérivant des affections et des actes
- N’est plus et ses suites ne seront point.
(I, 67)
- Comme ils voient tel quel et correctement,
- Ils dépassent la naissance et ses suites,
- Mais comme ils incarnent la compassion,
- Ils se montrent naissants, malades, vieux et morts.
(I, 68)
- Les enfants des Vainqueurs ont réalisé l’immuable essence du réel,
- Mais ceux que l’ignorance aveugle
- Les voient [toujours] naître, vieillir, tomber malades et mourir
- N’y a-t-il pas là quelque étonnante merveille ?
(I, 69)
- Ils ont atteint la sphère des êtres sublimes
- Mais se montrent dans la sphère des êtres puérils.
- C’est bien pourquoi les méthodes et la compassion
- De ces amis des êtres sont suprêmes.
(I, 70)
- Ils ont dépassé tous les mondes
- Mais ne quittent pas le monde ;
- Ils œuvrent pour le monde dans le monde
- Sans que les impuretés du monde les souillent.
(I, 71)
- De même que le lotus qui naît dans l’eau
- N’est pas souillé par l’eau,
- De même naissent-ils dans le monde
- Sans que les choses du monde les souillent.
(I, 72)
- Pour accomplir leur tâche, leur intelligence
- Brûle comme un feu qui brûle constamment,
- Mais ils restent constamment absorbés
- Dans la paix de la concentration.
(I, 73)
- Sur l’élan de leurs efforts antérieurs
- Et affranchis de toute pensée,
- Ils font mûrir les êtres
- Sans exercer le moindre effort.
(I, 74)
- Ils savent précisément qui aider,
- Comment et par quels moyens,
- Que ce soit avec des enseignements, des corps formels,
- Des actes altruistes ou certains comportements.
(I, 75)
- Ainsi, dans les mondes infinis comme l’espace,
- Ces êtres intelligents s’engagent toujours correctement
- À accomplir le bien des êtres de façon spontanée
- Sans jamais rencontrer d’obstacles.
(I, 76)
- Les êtres ordinaires ne voient pas de différence
- Entre la façon de libérer les êtres
- Propre aux tathāgatas et celle
- Des bodhisattvas en post-méditation.
(I, 77)
- Et pourtant, il y a la même différence
- Entre les bodhisattvas et les bouddhas
- Qu’entre une poussière et la terre toute entière
- Ou entre l’eau d’une empreinte de sabot et l’océan.
(I, 78)
- [Le corps absolu] est immuable puisqu’il possède
- d’inépuisables qualités ;
- C’est un refuge pour les êtres puisqu’il persiste sans limite future ;
- Il est toujours non duel puisqu’il ne pense pas ;
- Et c’est aussi une réalité indestructible puisque sa nature est incréée.
(I, 79)
- Il ne naît pas, ne meurt pas,
- Ne souffre pas, ne vieillit pas,
- Parce qu’il est permanent, stable,
- Paisible et éternel.
(I, 80)
- Il ne naît pas dans un corps de nature mentale
- Puisqu’il est permanent ;
- Il ne meurt pas d’une mort aux inconcevables métamorphoses
- Puisqu’il est stable ;
(I, 81)
- Il ne souffre pas des maux résultant des imprégnations subtiles
- Puisqu’il est paisible ;
- Il ne vieillit pas sous l’effet des formations non contaminées
- Puisqu’il est éternel.
(I, 82)
- En associant les vers correspondants
- Des strophes précédentes, on connaîtra le sens
- De la permanence, de la stabilité, de la paix et de l’éternité
- De l’immensité inconditionnée.
(I, 83)
- La permanence, c’est l’immutabilité,
- Puisque [le corps absolu] possède d’inépuisables qualités.
- La stabilité, c’est une nature de refuge,
- Puisqu’il a la même limite [que le saṃsāra].
(I, 84)
- La paix, c’est la non duelle essence du réel,
- Puisqu’il a pour nature de ne pas penser.
- L’éternité, c’est l’indestructibilité,
- Puisqu’il n’a pas de qualités artificielles.
(I, 85)
- Voici le corps absolu, le tathāgata,
- Les vérités des êtres sublimes et l’absolu nirvāṇa.
- Inséparable de ses qualités comme le soleil de ses rayons,
- Il n’est de nirvāṇa que la bouddhéité.
(I, 86)
- En bref, sachez que comme on peut approcher le sens
- De l’immensité non contaminée sous quatre angles,
- Le « corps absolu » et les trois autres termes ci-dessus
- Sont de simples synonymes.
(I, 87)
- [L’immensité non contaminée], c’est la bouddhéité
- indissociable de ses qualités,
- La filiation obtenue telle quelle,
- L’essence du réel qui ne ment ni ne trompe
- Et la paix naturelle des origines.
(I, 88)
- Éveil manifeste et parfait à toutes choses
- Et élimination des souillures avec leurs imprégnations –
- Le bouddha et le nirvāṇa
- Au sens sacré ne sont pas deux.
(I, 89)
- La libération a pour caractéristique
- D’être inséparable de ses qualités – complètes,
- Innombrables, inconcevables et immaculées.
- Cette libération est le tathāgata.
(I, 90)
- Imaginez des peintres aux talents différents
- Qui ne savent représenter de parties du corps
- que celles qu’ils connaissent.
- Le maître du royaume leur offre une toile
- « Travaillez ensemble, dit-il, et faites mon portrait ! »
- À cet ordre, ils se mettent à l’ouvrage mais l’un d’eux
- Doit soudain se rendre à l’étranger.
- Celui-là disparu, il sera impossible d’achever le tableau
- dans toutes ses parties.
- Fin de la parabole.
(I, 91-94)
- Qui sont ces peintres ? La générosité
- La discipline, la patience et les autres vertus.
- [Le portrait] est une forme donnée
- À la vacuité en tout suprême.
(I, 95)
- La connaissance, la sagesse et la libération
- Éclairent, rayonnent et purifient
- Sans se séparer [du corps absolu] ;
- On les compare à la lumière du soleil, à ses rayons et à son orbe.
(I, 96)
- Par conséquent, on n’atteint pas le nirvāṇa
- Sans atteindre la bouddhéité,
- De même qu’on ne peut voir le soleil
- Sans sa lumière et ses rayons.
(I, 97)
- Voilà donc les dix points qui définissent
- La quintessence des Vainqueurs.
- Il s’impose maintenant d’en reconnaître la présence
- Dans l’enveloppe des affections en s’aidant de comparaisons.
(I, 98)
- Comme un bouddha dans un lotus flétri, le miel au milieu des abeilles,
- Le grain dans la balle, l’or dans les immondices,
- Un trésor enterré, le germe [d’un grand arbre né] d’un petit fruit,
- Une statue de bouddha dans des haillons,
(I, 99)
- Un maître des hommes dans le ventre d’une pauvresse,
- Ou encore comme une précieuse image dans l’argile [du moule]
- Cet Élément ainsi présent dans les êtres est voilé
- Par les souillures adventices des affections.
(I, 100)
- Le lotus, les insectes, la balle du grain, les immondices,
- la terre, le fruit et les haillons,
- De même que la femme tourmentée par les flammes
- de la souffrance et l’argile, représentent les souillures,
- Tandis que le bouddha, le miel, le grain, l’or,
- le trésor, le banian, l’image,
- Le maître suprême des continents et la statue en or
- représentent l’Élément sublime et immaculé.
(I, 101)
- Dans un lotus aux couleurs défraîchies se trouve
- Un tathāgata rayonnant de mille marques.
- Un homme qui a purifié l’œil divin le voit
- Et l’extrait de la corolle fanée du lotus.
(I, 102)
- De même, avec son œil de bouddha, le Bien-Allé voit aussi
- Sa propre nature chez les êtres de l’enfer des Tourments Insurpassables.
- Compassion incarnée, libre des voiles,
- il restera jusqu’à la fin des temps
- Pour libérer les êtres des voiles qui les obscurcissent.
(I, 103)
- L’œil divin qui voit un bouddha enfermé dans un lotus immonde
- Arrache les pétales de la fleur.
- De même, le sage qui voit dans chaque être la quintessence
- des parfaits bouddhas enfermée dans les souillures
- de l’attachement, de la haine et des autres poisons
- Élimine ces voiles par compassion.
(I, 104)
- Voyant que le miel qu’il convoite
- Est cerné par les abeilles,
- L’homme ingénieux exercera son habileté
- En détachant le miel des insectes.
(I, 105)
- Le grand ermite, qui voit d’un œil omniscient
- L’Élément de connaissance comparable au miel,
- N’a de cesse que d’éliminer à jamais
- Les voiles ici comparés à des abeilles.
(I, 106)
- L’homme qui convoite le miel caché sous des abeilles par millions
- Disperse les insectes et dispose du miel à sa guise.
- De même, la connaissance non contaminée présente en chaque être
- est comparable au miel ;
- Les affections aux abeilles ; et le Vainqueur habile à les détruire
- à cet homme.
(I, 107)
- Le grain dans la balle n’est pas
- Utilisable par l’homme.
- Pour s’en nourrir il faut
- L’extraire de la balle.
(I, 108)
- De même, tant que le Vainqueur présent en chaque être,
- Mêlé cependant à la souillure des affections,
- N’aura pas été libéré de cette promiscuité
- avec la souillure des affections,
- Les Vainqueurs n’exerceront leurs activités
- dans aucun des trois mondes.
(I, 109)
- De même que les grains de riz, de blé noir ou d’orge
- encore dans la balle, et avec leurs barbes,
- Ne peuvent rien donner de bon à manger
- s’ils ne sont pas bien préparés,
- Le seigneur des qualités, présent en chaque être,
- emprisonné toutefois dans la gangue des affections,
- Ne peut offrir la saveur des plaisirs du Dharma à des êtres
- tenaillés par la faim des affections.
(I, 110)
- Un voyageur laissa tomber
- Son or dans les immondices
- Mais, en raison de sa nature inaltérable,
- L’or resta intact pendant des siècles,
(I, 111)
- Jusqu’à ce qu’un dieu à l’œil pur
- L’aperçoive et dise à un être humain
- « Il y a ici de l’or, le plus précieux des joyaux.
- Purifiez-le et faites-en tout ce que l’on fait avec les précieux joyaux !
»
- (I, 112)
- De même, voyant la qualité des êtres enfouie
- Dans les immondices des affections,
- Le sage fait sur tous les êtres tomber les pluies
- Du vrai Dharma pour les laver de la boue des affections.
(I, 113)
- Le dieu qui a décelé l’or tombé dans les immondices
- en montre avec insistance
- La sublime beauté à un être humain pour qu’il le nettoie parfaitement.
- De même, voyant en chaque être le joyau de la bouddhéité parfaite
- tombé dans les grandes immondices des affections,
- Le Vainqueur enseigne le Dharma aux êtres
- pour qu’ils purifient cette [quintessence].
(I, 114)
- Sous la maison d’un pauvre
- Est enfoui un trésor inépuisable.
- Le pauvre homme l’ignore et le trésor
- Ne lui dit pas où il se trouve.
(I, 115)
- De même, l’esprit recèle le précieux trésor immaculé
- De l’essence du réel sans ajout ni retrait.
- Ne l’ayant pas compris, les êtres subissent constamment
- Les souffrances de la pauvreté sous maintes formes.
(I, 116)
- Le trésor enfoui sous la maison du pauvre ne peut pas
- Lui dire sa présence – que le malheureux continue d’ignorer.
- De même, le trésor du réel se cache dans la maison de l’esprit des êtres
- comme chez le pauvre homme,
- Et c’est bien pour qu’ils le trouvent
- que de vrais sages viennent au monde.
(I, 117)
- Le noyau que l’on trouve dans la mangue et d’autres fruits,
- A l’inaliénable propriété de germer. Une terre labourée,
- De l’eau et d’autres [conditions] concourent alors
- À la formation graduelle de la substance du roi des arbres.
(I, 118)
- Enfoncée sous la peau du fruit que constituent l’ignorance
- et les autres [émotions] qui affectent les êtres,
- Il y a aussi l’immensité vertueuse de l’Élément du réel.
- De même, avec le concours de telle et telle vertu,
- Cet Élément devient peu à peu la substance du roi des sages.
(I, 119)
- L’eau, la lumière du soleil, le vent, la terre, le temps et l’espace
- sont autant de conditions
- Qui, sous la peau des fruits du palmier ou du manguier,
- coopèrent à la naissance d’un grand arbre.
- De même, sous la peau du fruit des émotions qui affectent les êtres,
- loge la graine de la bouddhéité parfaite
- Différentes conditions vertueuses permettront de voir
- le germe du Dharma pendant qu’il croît.
(I, 120)
- Imaginez une statue du bouddha en matières précieuses
- Enveloppée dans de puantes guenilles.
- Un dieu qui l’a vue abandonnée sur la route
- En avertit les passants pour qu’ils la libèrent.
(I, 121)
- De même, celui dont rien ne bloque la vision et qui voit,
- Chez les animaux aussi, la substance d’un bouddha
- Enveloppée dans toute la variété des affections,
- Montrera les moyens de l’en délivrer.
(I, 122)
- Le dieu qui, de son œil divin, aperçoit sur la route
- une statue du Bouddha toute en matières précieuses
- enveloppée dans de puants haillons
- La montre aux passants pour qu’ils l’en délivrent.
- De même, lorsqu’il voit sur les chemins du saṃsāra,
- jusques et y compris chez les animaux,
- l’Élément enfoui sous les guenilles des affections,
- Le Vainqueur enseigne le Dharma pour le libérer.
(I, 123)
- Imaginez une femme sans beauté ni protecteur
- Qui vit dans un asile pour les déshérités.
- Même enceinte de la gloire d’un souverain,
- Elle ignore que son sein abrite le maître des hommes.
(I, 124)
- L’asile pour les déshérités est une image
- de la naissance dans le saṃsāra
- Et la femme enceinte figure les êtres qui ne se sont pas purifiés.
- Ce qui est présent en elle assure sa protection ;
- Quant à l’Élément immaculé, il est comparable
- [au monarque] qu’elle porte en son sein.
(I, 125)
- La femme laide dans ses vêtements sales
- a beau porter un monarque en son sein,
- Elle n’en subit pas moins les pires souffrances
- dans un asile pour les déshérités.
- De même, les êtres qui, sous l’emprise des affections,
- n’ont pas l’esprit en paix
- Restent sur le terrain de la souffrance et se sentent abandonnés
- malgré le protecteur qu’ils portent en eux.
(I, 126)
- La statue coulée dans l’or qui refroidit dans [son moule]
- Présente, du dehors, une nature argileuse.
- Ce que voyant, les êtres avertis enlèveront l’enveloppe extérieure
- Pour nettoyer la [statue en] or qui se trouve à l’intérieur.
(I, 127)
- De même, voyant parfaitement que les souillures
- De nature lumineuse sont fortuites,
- [Ceux qui ont atteint] l’Éveil suprême lavent de leurs voiles
- Les êtres comparables à des mines de joyaux.
(I, 128)
- Au fait de la vraie nature de la forme en or, brillante et pure,
- Confinée dans l’argile refroidie, l’orfèvre l’en dégage.
- De même, les omniscients, qui connaissent l’or pur de l’esprit apaisé,
- Enseignent-ils le Dharma pour faire disparaître les voiles
- en frappant « là où il faut ».
(I, 129)
- Dans un lotus fané, parmi les abeilles,
- Dans la balle du grain, dans les immondices, dans la terre,
- Sous la peau du fruit, sous les guenilles, dans la matrice
- D’une pauvresse et dans un moule en glaise,
(I, 130)
- Comparable à un bouddha, au miel, au grain,
- De même qu’à l’or, à un trésor, à un grand arbre,
- Une précieuse image, un monarque universel
- Et une statue en or,
(I, 131)
- L’Élément des êtres, dit-on, n’a rien de commun
- Avec l’enveloppe des affections.
- La pureté naturelle de l’esprit
- Est telle depuis l’absence de commencement.
(I, 132)
- L’attachement, l’aversion et la confusion,
- Ainsi que leur vive émergence et leurs imprégnations,
- De même que les souillures éliminées
- sur les voies de vision et de méditation,
- Ou encore sur les terre impures et les terres pures :
(I, 133)
- Voilà neuf groupes [de souillures] qu’illustrent
- Le lotus fané et les autres comparaisons,
- Mais les enveloppes des affections secondaires
- Présentent des millions et des millions de subdivisions.
(I, 134)
- L’attachement et les huit autres souillures
- Sont disposés ci-dessus de façon à correspondre,
- Dans le même ordre, au lotus fané
- Et aux huit autres comparaisons.
(I, 135)
- Les êtres puérils sont entachés par quatre
- De ces souillures ; les arhats par une,
- Les disciples [sur les voies avec apprentissage] par deux ;
- Et les sages [bodhisattvas] par deux souillures aussi.
(I, 136)
- Devant un lotus, fleur née de la boue,
- On se sent toujours heureux.
- Mais cette joie bientôt s’évanouit,
- Comme la joie née du désir décline aussi.
(I, 137)
- De même que les abeilles
- Excitées jouent du dard,
- La colère en surgissant
- Arrache le cœur.
(I, 138)
- De même que le grain de riz
- Est recouvert par la balle,
- La vision de la quintessence est bloquée
- Par la coquille de l’ignorance.
(I, 139)
- De même que les immondices sont répugnantes,
- Immonde est l’émergence [des poisons],
- Car elle est la cause dont dépend le désir
- De ceux qui lui sont attachés.
(I, 140)
- De même que les richesses bien cachées
- Sont d’introuvables trésors ignorés,
- La [sagesse] spontanée des êtres est voilée
- Par la terre des imprégnations de l’ignorance.
(I, 141)
- La croissance progressive du germe
- Déchire le tégument de la graine.
- De même, la vision du réel supprime
- [Les souillures] qui sur cette voie s’éliminent.
(I, 142)
- Une fois reliés à la voie des êtres sublimes,
- [Les arhats] ont vaincu l’essentiel – la croyance à l’individualité.
- Les objets que la sagesse primordiale élimine sur la voie de méditation
- Ressemblent, dit-on, à des guenilles ou des haillons.
(I, 143)
- Les souillures présentes sur les sept terres [impures]
- Sont comparables aux souillures d’une matrice
- Et la sagesse non conceptuelle et parfaitement mûre
- À un [embryon] délivré de la matrice.
(I, 144)
- Les souillures liées aux trois terres [pures]
- Sont comparables à des traces d’argile [sur une statue].
- Le recueillement Adamantin des grands êtres
- En aura raison.
(I, 145)
- L’attachement et les huit autres souillures
- Sont donc comparables à un lotus fané et aux huit autres exemples.
- Ramené à sa triple nature, l’Élément
- Est comparable à un bouddha et ainsi de suite.
(I, 146)
- Cette [triple] nature est le corps du Dharma,
- L’ainsité et la filiation que l’on reconnaîtra
- Successivement dans trois comparaisons,
- Puis dans une seule et enfin dans cinq.
(I, 147)
- Le corps du Dharma présente deux aspects
- La très pure dimension absolue
- Et son analogue, les enseignements
- Du mode profond et du mode détaillé.
(I, 148)
- Bien au-delà du monde,
- Rien ne lui ressemble dans le monde.
- Voilà montrée la similitude
- De l’Élément et du Tathāgata.
(I, 149)
- Les enseignements du mode profond et subtil
- Évoquent le goût unique de tous les miels.
- Quant aux enseignements du mode détaillé,
- Ils ressemblent à tous ces grains dans leur balle.
(I, 150)
- En raison de sa nature immuable,
- Vertueuse et parfaitement pure,
- L’ainsité est comparable
- À une forme en or.
(I, 151)
- Sachez que, semblable au trésor et à l’arbre fruitier,
- La filiation spirituelle a deux aspects
- Présente sans commencement [en tant que] nature [de l’esprit]
- Et suprême [quand on l’a] correctement adoptée.
(I, 152)
- On atteint les trois corps de la bouddhéité
- À partir de cette double filiation.
- Le premier corps, de la première ;
- Les deux suivants, de la seconde.
(I, 153)
- Vous devriez savoir que la beauté du corps essentiel
- Est comparable à une précieuse image
- Parce que ce corps de nature incréée
- Et ses qualités forment un trésor de joyaux.
(I, 154)
- Le corps de parfaite jouissance évoque un monarque universel
- Parce qu’il détient le grand royaume du vrai Dharma.
- Le corps d’apparition est alors comparé à une forme en or
- Parce qu’il a la nature des reflets.
(I, 155)
- C’est la foi qui permet de réaliser
- L’absolu des [bouddhas] nés d’eux-mêmes.
- Qui n’a pas d’yeux ne peut voir
- L’éclat de l’orbe solaire.
(I, 156)
- Ici, il n’y a rien à enlever
- Et rien à ajouter.
- Regardez réellement le réel !
- Quand vous le verrez, vous serez libres.
(I, 157)
- L’Élément est vide des souillures adventices
- Qui ont pour caractère d’en être séparables.
- Il n’est pas vide de ses insurpassables qualités
- Qui ont pour caractère d’en être inséparables.
(I, 158)
- Les Vainqueurs ont enseigné ici et là
- que tous les phénomènes sont vides
- Sous tous les aspects, comme des nuages, des rêves et des illusions.
- Or voici qu’ils déclarent que tous les êtres animés
- Ont une nature de bouddha : pourquoi ?
(I, 159)
- Perdre courage et mépriser les êtres plus humbles que soi,
- Croire à ce qui n’est pas vrai, déprécier le vrai Dharma
- Et, enfin, être trop attaché à soi-même : voilà cinq défauts
- Que cet enseignement se propose d’éliminer chez ceux qu’ils affectent.
- (I, 160)
- La limite du réel se trouve toujours
- À l’écart des phénomènes conditionnés.
- Il est alors possible de comparer les affections,
- Les actes et leurs effets à des nuages, des rêves, des illusions.
(I, 161)
- Les affections sont comparables à des nuages ;
- Les actes, à des expériences faites en rêve ;
- Et les agrégats, qui résultent des affections
- Et des actes, à des illusions et des apparitions.
(I, 162)
- En plus des premiers exposés,
- La Continuité suprême enseigne
- La présence de l’Élément spirituel
- Pour éliminer les cinq défauts.
(I, 163)
- Ainsi, l’esprit d’Éveil ne naîtra point
- Chez ceux qui, n’ayant pas entendu [cet enseignement],
- Se méprisent eux-mêmes
- Jusqu’à perdre courage.
(I, 164)
- D’entre ceux qui ont produit l’esprit d’Éveil,
- Certains se disent supérieurs
- Et tiennent pour inférieurs
- Ceux que l’esprit d’Éveil n’a pas encore gagnés.
(I, 165)
- La juste sagesse ne peut naître
- Chez ceux qui pensent de la sorte.
- Ceux-là croient ce qui n’est pas vrai
- Et le vrai n’a pas de sens pour eux.
(I, 166)
- Artificiels et passagers, les défauts
- Des êtres ne sont pas réels.
- En vérité, les fautes n’ont pas de soi
- Et les qualités sont pures par nature.
(I, 167)
- S’il croit à des défauts irréels
- Et sous-estime de réelles qualités,
- L’être intelligent n’acquerra pas la bienveillance
- Qui voit l’égalité d’autrui et de soi-même.
(I, 168)
- Ainsi, quand on a entendu ce qui précède,
- on ne peut qu’être enthousiaste,
- Respecter les autres autant que notre Instructeur,
- Et accéder à la connaissance, à la sagesse et à la grande bienveillance.
- L’émergence de ces cinq qualités permet
(I, 169)
- D’éliminer l’erreur [du découragement], de voir égal,
- De [réaliser] l’absence des défauts et la présence des qualités,
- Et de s’aimer soi-même autant que les autres,
- Grâce à quoi l’on atteindra bientôt l’état de bouddha.
(I, 170)
- Ici prend fin le premier chapitre, « La Quintessence des tathāgatas », du
- Traité de la Continuité suprême du Grand Véhicule, analyse de la filiation
- spirituelle des Trois Joyaux.
II - L’ÉVEIL
- [L’Éveil] est pureté, obtention et séparation ;
- Bien propre, bien d’autrui, support,
- Profondeur, vastitude, magnanimité,
- Durée et essence.
(II, 1)
- L’essence, la cause, le fruit,
- La fonction, la dotation, la manifestation,
- La permanence et l’inconcevabilité
- [Ces huit points] déterminent la bouddhéité.
(II, 2)
- On l’appelle « luminosité naturelle » et elle évoque le soleil et le ciel.
- L’épaisse nuée des [voiles] adventices du connaissable
- et des affections la recouvrent
- [Mais elle reste] la bouddhéité permanente, stable et éternelle,
- dotée de toutes les qualités immaculées des bouddhas.
- On peut l’atteindre avec les deux sagesses qui discernent
- tous les phénomènes sans la moindre pensée.
(II, 3)
- L’indivisible bouddhéité se distingue
- Pleinement par ses qualités pures,
- Comme si elle se dédoublait en soleil de la sagesse
- Et en ciel de l’élimination.
(II, 4)
- Luminosité incomposée,
- Inséparable de ses manifestations,
- Elle est dotée de toutes les qualités des bouddhas,
- Plus nombreuses que les grains de sable du Gange.
(II, 5)
- Comme ils n’existent pas par eux-mêmes,
- Qu’ils sont omniprésents et adventices,
- On compare les voiles émotionnel
- Et cognitif à des nuages.
(II, 6)
- On affirme que la séparation d’avec les deux voiles
- A pour cause une double sagesse
- L’absence de pensée [de la méditation]
- Et la sagesse de la post-méditation.
(II, 7)
- Comme un lac aux eaux limpides qui peu à peu se couvrent de lotus ;
- Comme la pleine lune qui s’échappe de la gueule de Rāhu ;
- Comme le soleil qui se dégage de la nue des affections
- [L’Éveil] rayonne de lumières en raison de ses qualités immaculées.
- (II, 8)
- Le Vainqueur est comparable au plus grand des sages, au miel,
- Au grain, à l’or précieux, à un trésor et à un grand arbre ;
- On le compare encore à une pure et précieuse image du Bouddha,
- À un maître de la terre et à une statue en or.
(II, 9)
- Pour nous résumer, nous dirons que le fruit
- De la sagesse dépourvue de pensées,
- C’est la pureté du désir et des autres affections adventices,
- Laquelle est comparable au lac, [à la pleine lune] et au reste.
(II, 10)
- Il est enseigné que le fruit de la sagesse primordiale
- Atteint pendant la post-méditation,
- C’est l’obtention définitive de l’état de bouddha
- Pourvu de tous les attributs suprêmes.
(II, 11)
- [L’état de bouddha] est comparable à une étendue d’eau pure
- Où le sédiment du désir a déposé
- Et où l’eau de la concentration
- Baigne les disciples pareils à des lotus.
(II, 12)
- Comme il a échappé à la colère de Rāhu,
- On le compare à la pleine lune immaculée
- Comblant les destinées de lumières
- Qui rayonnent de grande bienveillance et de grande compassion.
(II, 13)
- La bouddhéité est comparable à un soleil immaculé
- Qui s’est libéré des nuages de l’ignorance
- Et, de ses radieuses lumières de sagesse,
- Disperse les ténèbres du monde.
(II, 14)
- Comme ses qualités égalent le sans-égal,
- Qu’elle prodigue la saveur du vrai Dharma
- Et qu’elle est libre de l’enveloppe [des voiles]
- On compare [la bouddhéité] à un bouddha, au miel et à une graine.
- (II, 15)
- Comme elle est pure et riche de qualités
- Qui éliminent la pauvreté
- Et qu’elle procure le fruit de la libération,
- On la compare à de l’or, à un trésor et à un arbre fruitier.
(II, 16)
- Comme elle est le joyau du corps absolu,
- Le maître suprême des hommes,
- Et qu’elle a l’aspect d’une forme précieuse, on la compare
- À une précieuse [image], à un monarque et à une [statue en] or.
(II, 17)
- Non souillé, omniprésent, indestructible,
- Stable, paisible, éternel, sans transmigration et source [de qualités],
- Le Tathāgata est, comme l’espace, la cause de l’expérience
- Des objets qui s’offrent aux six facultés des êtres purs.
(II, 18)
- [Le bouddha] est la cause qui permet de voir
- des formes dépourvues d’éléments,
- D’entendre des paroles bonnes et pures,
- De humer les fragrances de la discipline des bien-allés,
- De connaître le goût du vrai Dharma des grands êtres sublimes,
(II, 19)
- D’éprouver les délices du tangible pendant l’absorption méditative
- Et de réaliser le mode profond en son essence même.
- Quand on y réfléchit plus précisément, le tathāgata qui procure
- Le bonheur absolu est dépourvu de causes comme l’espace.
(II, 20)
- Il faut savoir que ces deux sagesses
- Ont en bref pour fonction
- Le corps de libération ou la perfection
- Et le corps absolu ou la purification.} (II, 21)
- On connaîtra le corps de libération et le corps absolu
- Sous deux aspects puis sous un seul,
- Puisqu’ils sont non contaminés, omniprésents,
- Incomposés et que ce sont des sources [de qualités].
- [Le corps de libération] n’est pas contaminé
- Puisque les affections et leurs tendances ont cessé.
- On tient [le corps absolu] pour l’omniprésence
- de la sagesse primordiale
- Puisqu’il n’est attaché à rien et que rien ne lui fait obstacle.
- [Ces deux corps] sont incomposés
- Puisqu’ils sont indestructibles à jamais.
- C’est leur indestructibilité qu’explicitent
- La stabilité et les trois autres qualités.
- La destruction présente quatre aspects
- Qui sont les contraires de la stabilité et ainsi de suite
- La dégradation, le changement, l’interruption
- Et la transmigration avec ses métamorphoses inconcevables.
- Indestructibles de ces quatre façons, [les deux corps]
- Sont stables, paisibles, permanents et libres de la transmigration.
- L’absence de souillures et la sagesse en sont la source
- En tant que supports des qualités pures.
- De même que l’espace, qui n’est pas une cause,
- Est cause de la vision des formes
- Et de la perception des sons, des odeurs,
- Des saveurs, des tangibles et des phénomènes [mentaux],
- De même, grâce à la [voie de] jonction où les voiles disparaissent,
- Les deux corps sont les causes de l’apparition
- De qualités non contaminées comme autant d’objets
- Offerts aux facultés des [êtres] stables.
- Inconcevable, permanent, stable, paisible, éternel,
- Apaisé, omniprésent, libre de la pensée, pareil à l’espace,
- Libre d’attachement, nulle part entravé, sans plus de contacts grossiers,
- Invisible, insaisissable et vertueux, le Bouddha est immaculé.
- Le corps de libération et le corps absolu
- Enseignent le bien propre et le bien d’autrui.
- Supports du double bienfait, ils sont inconcevables
- En plus de quatorze autres qualités.
- La bouddhéité est l’objet de l’omnisciente
- Sagesse primordiale et non des trois connaissances.
- Les êtres pourvus d’un corps de sagesse [autres que les bouddhas]
- Comprendront qu’elle est inconcevable.
- De par sa subtilité, ce n’est pas un objet d’étude.
- Absolue, ce n’est un objet de réflexion.
- Profonde essence du réel, ce n’est pas non plus l’objet
- Des méditations mondaines et autres.
- De même que les aveugles de naissance ne voient pas les formes,
- Les êtres puérils ne l’ont jamais vue. Les êtres sublimes eux-mêmes
- Sont pareils à des nourrissons qui entrevoient la forme du soleil
- Depuis la chambre où ils viennent de naître.
- [La bouddhéité] est permanente parce qu’elle n’est jamais née ;
- Elle est stable parce qu’elle ne cesse jamais ;
- Elle est paisible parce qu’elle n’a plus de dualités ;
- Elle est éternelle parce que l’essence du réel persiste.
- [L’Éveil est] très paisible en tant que vérité de la cessation ;
- Omniprésent pour sa réalisation de toute chose ;
- Sans pensées parce qu’il ne fait fond sur rien ;
- Et sans attachement parce qu’il n’a plus d’affections.
- Il est totalement pur du voile cognitif
- Et rien ne peut lui faire obstacle.
- Libre du double [obstacle] et infiniment souple,
- Il n’a plus de contacts grossiers.
- [L’Éveil] est invisible parce qu’il n’a pas de forme ;
- Insaisissable parce qu’il n’a pas de caractéristiques ;
- Vertueux parce qu’il est pur par nature ;
- Immaculé parce qu’il n’a plus de souillures.
- Sans commencement ni milieu ni fin, indivisible,
- Non duelle, dégagée des trois [voiles], immaculée et libre de la pensée
- Telle est la nature de la dimension absolue
- Dont la réalisation est la vision des yogis établis en méditation.
- (II, 38)
- Dotée de qualités immensurables, inconcevables,
- Inégalées, plus nombreuses que les grains de sable du Gange,
- La pure immensité des tathāgatas
- Est libre de tous les maux et de leurs imprégnations.
- Avec le vrai Dharma sous ses deux aspects,
- avec des corps rayonnant de lumières,
- Il s’empresse d’accomplir son but, celui de libérer les êtres,
- Et pour ce faire il agit comme le souverain des Joyaux magiques
- En revêtant toutes les apparences possibles
- sans être leur essence pour autant.
- Les [corps] formels sont en ce monde la cause de l’entrée
- des êtres ordinaires dans la voie de la paix.
- De même sont-ils la cause de leur maturité et de la prédiction.
- Ils resteront ici à jamais comme le monde
- De la Forme restera dans l’espace.
- On appelle « bouddhéité » l’omniscience
- De ceux qui d’eux-mêmes sont nés.
- Voilà le nirvāṇa suprême, l’impensable,
- Le vainqueur de l’ennemi et l’incarnation
- [de la sagesse] qui se connaît elle-même.
- Elle se manifeste dans le corps essentiel
- Et les deux autres corps en fonction de leurs qualités
- Respectives de profondeur, de vastitude
- Et de magnanimité.
- Sachez donc, en bref,
- Que le corps essentiel des bouddhas
- Possède cinq caractéristiques.
- On ramène ses qualités à cinq aussi.
- [Le corps essentiel est] incomposé, indivisible,
- Dégagé des deux extrêmes
- Et définitivement libre des trois voiles
- Émotionnel, cognitif et méditatif.
- Immaculé, sans pensée,
- C’est le domaine des yogis
- Et, en tant que dimension absolue
- Pure par essence, la luminosité.
- Le corps essentiel est réellement pourvu
- De qualités ultimes : il est immensurable,
- Indénombrable, inconcevable,
- Inégalable et pur.
- Cela, parce que, respectivement, il est immense
- Et se dérobe à toute mesure, que ce n’est pas un objet
- De spéculation, qu’il est unique
- Et n’a plus de propensions karmiques.
- Il jouit à la perfection des divers enseignements,
- Il se manifeste avec ses qualités naturelles,
- Et le bien qu’il ne cesse de prodiguer aux êtres
- Est l’analogue de sa pure compassion.
- Il comble tous les désirs, quels qu’ils soient,
- Sans la moindre pensée, sans le moindre effort.
- Aussi, avec ses prodiges de Joyau magique,
- Sa présence est-elle parfaite jouissance.
- L’expression, l’apparence et les activités ininterrompues,
- L’absence d’action délibérée
- Et le fait de montrer qu’il n’est pas l’essence de toutes [ces choses],
- Rendent compte de la quintuple diversité
- [du corps de parfaite jouissance].
- De même que sur un fond coloré
- La pierre précieuse apparaît telle qu’elle n’est pas,
- De même, du fait de la diversité des êtres,
- L’Omniprésent est perçu tel qu’il n’est pas.
- Celui qui connaît tous les mondes
- Les considère avec grande compassion
- Et, sans dévier du corps absolu,
- Manifeste diverses apparitions de lui-même.
- Les vies antérieures, la naissance spontanée [chez les dieux],
- La descente du ciel des Tuṣitas,
- L’entrée dans une matrice, la naissance,
- La maîtrise des arts et des sciences,
- Les plaisirs du gynécée,
- Le renoncement, l’ascèse,
- L’arrivée au Trône de l’Éveil,
- La victoire sur les armées de Māra et l’Éveil parfait,
- [La mise en branle] de la roue du Dharma
- Et le passage en nirvāṇa : voilà autant de hauts faits
- Qu’il manifeste dans les champs impurs
- Tant que s’y trouveront des êtres.
- Les termes « impermanence », « souffrance », « sans soi »
- Et « paix » permettent à celui qui connaît les méthodes
- De provoquer chez les êtres le dégoût des trois mondes
- En leur donnant accès au nirvāṇa.
- Fort engagés sur la voie de la paix, certains
- Pensent avoir atteint le nirvāṇa. À ceux-là
- Le Bouddha montre la réalité des phénomènes
- Comme dans Le Lotus blanc et d’autres soûtras,
- Si bien qu’il les détourne de leurs anciennes croyances
- Et les amène à adopter les méthodes et la connaissance
- En les faisant mûrir dans le véhicule suprême.
- Ensuite, il leur annonce qu’ils atteindront l’Éveil suprême.
- [Le bouddha] est profond, sa puissance est parfaite
- Et il guide les êtres puérils en fonction de leurs intérêts.
- Dès lors, on saura que [ses trois corps] sont, dans le même ordre,
- Profondeur, vastitude et magnanimité.
- Ici donc, le corps absolu vient en premier
- Et les [deux] corps formels suivent.
- Comme les formes se situent dans l’espace,
- Dans le premier corps se situent les deux autres.
- En raison d’une infinité de causes et du nombre inépuisable des êtres,
- Et comme l’amour, les prodiges, la connaissance
- et la perfection lui sont acquis,
- Qu’il domine les phénomènes, qu’il a vaincu le démon de la mort
- Et qu’il n’a pas d’essence, le Protecteur du monde est permanent.
- Comme, ayant renoncé à son corps, à sa vie
- Et à ses biens, il a embrassé le vrai Dharma ;
- Comme, pour le bien de tous les êtres, il ira
- Jusqu’au terme de son vœu originel ;
- Comme la bouddhéité est totalement imprégnée
- D’une compassion pure et immaculée ;
- Comme il use des quatre bases des pouvoirs miraculeux
- Pour agir en restant [dans le monde] ;
- Comme avec la connaissance il s’est affranchi
- De la croyance à la dualité du saṃsāra et du nirvāṇa ;
- Comme il ne se déprend jamais de la félicité parfaite
- D’inconcevables recueillements d’extase ;
- Et comme, lors même qu’il agit dans le monde,
- Les choses du monde ne peuvent pas le souiller ;
- [Le corps absolu est permanent] parce qu’il a trouvé
- l’immortalité et la paix
- Là où le démon de la mort ne court plus.
- Parce que, inconditionné par nature,
- Le sage est apaisé dès l’origine
- Et parce qu’il est logique qu’il soit le refuge
- De ceux qui n’ont pas de refuge permanent.
- Les sept premières raisons
- Valent pour la permanence des corps formels
- De notre Instructeur ; les trois dernières,
- Pour la permanence de son corps absolu.
- Ineffable, il revient à l’absolu ;
- Ce n’est pas un objet d’analyse ; il échappe à toute comparaison ;
- Insurpassable, l’existence et la paix ne peuvent le contenir ;
- Aux êtres sublimes aussi, le domaine des Vainqueurs
- reste inconcevable.
- [L’Éveil] est inconcevable parce qu’il est indicible ;
- Il est indicible parce qu’il est absolu ;
- Il est absolu parce que ce n’est pas un objet d’analyse ;
- Ce n’est pas un objet d’analyse parce qu’on ne peut pas l’inférer ;
- On ne peut pas l’inférer parce que rien ne lui est supérieur ;
- Rien ne lui est supérieur parce qu’on ne peut à rien le ramener ;
- On ne peut à rien le ramener parce qu’il ne se trouve nulle part ;
- Il ne se trouve nulle part parce qu’il n’a pas les idées
- de qualité et de défaut.
- Subtil pour les cinq premières raisons,
- Le corps absolu est inconcevable ;
- Irréels, pour la sixième [raison],
- Les corps formels sont inconcevables.
- Du fait de leur sagesse insurpassable, de leur grande compassion
- et de leurs autres vertus,
- Les Vainqueurs transcendent toutes les qualités
- et sont [donc] inconcevables.
- Dès lors, les grands sages qui ont reçu l’initiation ignorent,
- Eux aussi, l’état ultime des bouddhas nés d’eux-mêmes.
- Ici prend fin le deuxième chapitre, « L’Éveil », du Traité de la Continuité
- suprême du Grand Véhicule, analyse de la filiation spirituelle des Trois Joyaux.
III - LES QUALITÉS
- Le bien propre et le bien d’autrui sont le corps absolu
- Et les corps relatifs qui en dépendent.
- Ils présentent soixante-quatre qualités
- Qui sont des fruits de séparation et de maturation. (III, 1)
- Le corps absolu est le lieu
- Des richesses personnelles.
- Le corps symbolique des sages
- Est le lieu du bien parfait des autres. (III, 2)
- Le premier corps est doté des forces
- Et des autres qualités de séparation ;
- Le second possède les marques des grands êtres,
- Qui sont des qualités de maturation. (III, 3)
- Si les forces sont comparables aux vajras [lancés]
- contre le voile de l’ignorance,
- Les intrépidités évoquent le lion dans l’assemblée [des animaux],
- Les [qualités] exclusives des tathāgatas ressemblent à l’espace
- Et la double apparence du Sage tient [du reflet] de la lune dans l’eau. (III, 4)
- Le correct et l’incorrect,
- La rétribution des actes, les facultés,
- Les tempéraments, les aspirations,
- Les voies de toutes les destinées, les concentrations (III, 5)
- Souillées ou immaculées,
- Le souvenir des existences [passées],
- L’œil divin et l’apaisement
- Voilà les dix forces de connaissance. (III, 6)
- Le correct et l’incorrect, la rétribution, les tempéraments,
- les destinées et les aspirations dans toute leur diversité,
- Ce qui est souillé par les affections ou parfaitement purifié,
- l’ensemble des facultés, le souvenir des états antérieurs,
- L’œil divin et l’art d’épuiser les souillures : voilà les [dix] forces
- [de connaissance] que l’on compare à des vajras
- Parce qu’elles transpercent les armures, abattent les remparts
- et rasent les forêts de l’ignorance. (III, 7)
- À toute chose il s’éveille pleinement ;
- Il met fin aux obstacles ;
- Il enseigne la voie et montre la cessation
- Telles sont les quatre intrépidités. (III, 8)
- Comme il connaît et fait connaître tout ce que les autres et soi-même
- se doivent de connaître ;
- Comme il a éliminé et fait éliminer ce qui devait l’être
- et qu’il a suivi ce qu’il fallait suivre ;
- Comme il a atteint et fait atteindre l’état suprême
- et très immaculé qu’il faut atteindre,
- Et comme, enfin, il prêche la vérité pour le bien de tous,
- le Sage ne rencontre jamais d’obstacles. (III, 9)
- À l’orée de la jungle, le roi des animaux se promène sans peur
- Et jamais il ne craint aucun autre animal.
- De même, dans une assemblée, le Seigneur des Sages,
- qui est pareil au lion,
- Peut-il rester à l’aise, indépendant, habile et stable. (III, 10)
- [Notre Instructeur] ne se trompe pas
- et ne tient pas de propos futiles,
- Sa mémoire est infaillible, son esprit
- Ne quitte jamais le recueillement profond ;
- Il ne perçoit pas non plus de différences (III, 11)
- Et ne saurait être indifférent par manque de discernement.
- Ses aspirations, son ardeur, son attention,
- Sa connaissance supérieure, sa liberté totale
- Et ce que voit sa libre sagesse ignorent le déclin. (III, 12)
- Ses actes procèdent de la sagesse
- Libre des voiles temporels.
- Telles sont, entre autres, dix-huit
- Qualités exclusives de notre Instructeur. (III, 13)
- Erreurs, bavardages, oubli, dispersion, perceptions toutes différentes
- Et indifférence naturelle : rien de cela n’affecte le Sage.
- Ses aspirations, son ardeur, son attention, sa connaissance
- parfaitement pure et immaculée, sa liberté perpétuelle
- Et sa libre sagesse qui voit tous les phénomènes ignorent le déclin.
- (III, 14)
- Les actes de son corps, de sa parole et de son esprit
- sont tous précédés et suivis par la sagesse primordiale,
- Tandis que son immense sagesse opère toujours
- dans les trois temps sans jamais rencontrer d’obstacles.
- Fort de cette réalisation, il ne craint pas de faire tourner
- la grande roue du vrai Dharma pour le bien des êtres.
- Cette victoire dotée de grande compassion
- voilà ce que les bouddhas ont trouvé. (III, 15)
- La terre et les autres éléments n’ont pas la même nature que l’espace ;
- Les caractéristiques de la forme n’ont rien à voir
- avec l’absence d’obstacles et les autres particularités de l’espace.
- La terre, l’eau, le feu et l’air, de même que l’espace,
- sont communs à [tous les] mondes,
- Mais les [qualités] exclusives [des bouddhas] n’ont pas même
- une particule en commun avec le monde. (III, 16)
- [Le bouddha] a les pieds bien posés, marqués chacun d’une roue ;
- Il a les talons larges et les malléoles invisibles ;
- Ses doigts et ses orteils sont longs
- Et rattachés par des membranes. (III, 17)
- D’une délicatesse juvénile, sa peau est d’une douceur parfaite ;
- Le dos de ses mains, ses cous-de-pied, ses épaules et sa nuque
- forment sept protubérances bien arrondies ;
- Ses jarrets sont les mêmes que ceux de l’antilope eṇaya
- Et son secret rentré au fourreau comme celui de l’éléphant. (III, 18)
- Il a un torse de lion et des épaules
- Pleines et larges aux sommets
- Bien rebondis. Il a les bras tendres,
- Ronds et réguliers. (III, 19)
- Ses bras sont longs et son corps, entièrement pur,
- Est entouré d’un halo de lumière.
- Sa gorge évoque une conque immaculée
- Et ses joues valent celles du roi des animaux. (III, 20)
- Il a quarante dents parfaitement égales,
- Brillantes et bien alignées,
- Pures et de la même taille ;
- Ses canines sont d’une blancheur suprême. (III, 21)
- Sa langue longue, infinie, inconcevable,
- Donne un goût suprême à tous les aliments.
- De sa voix de Brahma, le Bouddha parle
- Avec des accents de kalaviṅka. (III, 22)
- Il a de beaux yeux pareils à des lotus bleus
- et les cils de la reine des vaches ne valent pas les siens.
- Son beau visage sans défauts s’orne d’un poil-trésor blanc.
- Le haut de son crâne se pare d’un apex et sa peau,
- fine et pure,
- A la couleur de l’or : n’est-il pas suprême entre tous les êtres ? (III, 23)
- Chacun de ses poils doux et fins
- S’enroule à droite en poussant vers le haut ;
- Impeccable est sa chevelure bleu foncé comme un précieux saphir ;
- Ses proportions sont parfaites comme celles du banian. (III, 24)
- Universellement bon et incomparable, le grand Sage
- A le corps robuste et la force de Nārāyaṇa.
- De ces trente-deux marques inconcevables,
- Notre Instructeur précise qu’elles appartiennent
- aux seigneurs parmi les hommes. (III, 25)
- De même qu’en automne on voit la forme de la lune
- Dans un ciel sans nuages comme dans les eaux bleues d’un lac,
- De même, les enfants des Vainqueurs verront la forme
- De l’Omniprésent dans le maṇḍala de la parfaite bouddhéité. (III, 26)
- Il faut savoir que ces soixante-quatre qualités,
- Ainsi que les causes de chacune,
- Apparaissent ici dans le même ordre
- Que dans le Soûtra de Ratnadārikā. (III, 27)
- Elles sont indestructibles, audacieuses,
- Inégalables et inamovibles,
- Si bien qu’on les compare respectivement
- Au vajra, au lion, à l’espace et au [reflet de] la lune dans l’eau pure.
- (III, 28)
- Des dix forces, les six premières éliminent
- Le voile de la connaissance ; les trois suivantes
- Le voile de l’absorption méditative ; et la dernière
- Le voile des affections avec leurs imprégnations : (III, 29)
- Comme si elles transperçaient des armures,
- Abattaient des remparts et rasaient des forêts.
- Les forces des Sages sont comparables à des vajras,
- Parce qu’elles sont sûres, essentielles, stables et indestructibles.(III, 30)
- Pourquoi sont-elles sûres ? Parce qu’elles sont essentielles.
- Essentielles ? Parce qu’elles sont stables. Stables ?
- Parce qu’elles sont indestructibles. Et comme elles sont
- Indestructibles, on les compare à des vajras. (III, 31)
- Impavide, indépendant,
- Stable et parfaitement habile,
- Le lion des sages est tel un lion sans crainte
- Au cœur des assemblées qui se pressent autour de lui. (III, 32)
- Comme il connaît tout directement,
- Il reste sans peur en toute occasion,
- Et comme il voit que les êtres qui se sont purifiés
- Eux-mêmes ne le valent point, il reste indépendant. (III, 33)
- L’esprit concentré sur tous les phénomènes,
- Il est la stabilité même. Passé très au-delà
- De la terre des imprégnations de l’ignorance,
- Il rayonne de pouvoir créatif. (III, 34)
- Les êtres ordinaires, les auditeurs, les bouddhas-par-soi,
- Les sages bodhisattvas et les bouddhas nés d’eux-mêmes,
- Atteignent des états de compréhension de plus en plus subtils
- Qu’illustrent cinq comparaisons : (III, 35)
- Comme ils assurent la survie de tous les mondes,
- Ils sont pareils à la terre, à l’eau, au feu et au vent ;
- Comme ils transcendent les caractères mondains
- Et supramondains, ils sont comparables à l’espace. (III, 36)
- Ces trente-deux qualités sont autant
- De divisions du corps absolu,
- De même que la lumière, la couleur et la forme
- D’une pierre précieuse n’en sont point séparées. (III, 37)
- Elles comblent la vue, ces qualités
- Appelées « trente-deux marques » !
- Elles s’appuient sur le corps d’apparition
- Et le corps de la jouissance parfaite du Dharma. (III, 38)
- Les éloignés de la pureté et ses proches,
- Les uns dans le monde et les autres dans le maṇḍala d’un vainqueur,
- Voient les corps formels de deux façons
- Comme la forme de la lune dans le ciel
- ou bien de son reflet dans l’eau. (III, 39)
- Ici prend fin le troisième chapitre, « Les Qualités », du Traité de la
- Continuité suprême du Grand Véhicule, analyse de la filiation spirituelle des
- Trois Joyaux.
IV - LES ACTIVITÉS ÉVEILLÉES
- L’Omniprésent se manifeste toujours spontanément
- Et arrive sur les lieux au moment opportun
- Selon les dispositions du disciple, les moyens de le discipliner
- Et la discipline qu’il convient d’appliquer. (IV, 1)
- Riche de tous les joyaux les plus précieux, les qualités,
- l’océan de la sagesse primordiale scintille
- au soleil des mérites et de la sagesse ;
- C’est l’accomplissement définitif de tous les véhicules,
- une immensité dépourvue de centre et de périphérie,
- omniprésente comme l’espace.
- La bouddhéité, trésor des qualités immaculées, apparaît alors
- dans tous les êtres, sans différence entre eux,
- Tandis que se lève le vent de la compassion des bouddhas
- qui déchirera le filet des nuages tissé
- par les voiles émotionnel et cognitif. (IV, 2)
- Qui ? Comment ? En appliquant
- Quelle discipline ? Où ? Quand ?
- Comme le Sage n’a pas de ces pensées,
- Son action est toujours spontanée. (IV, 3)
- « Qui » renvoie aux dispositions du disciple,
- « Comment » aux moyens de le discipliner,
- « Quelle discipline » à leur application,
- « Où » et « quand » au lieu et à l’instant. (IV, 4)
- [Les activités éveillées ne s’interrompent jamais]
- Parce qu’elles ont lieu sans pensées comme celles-ci
- La libération définitive, son point d’appui,
- Son fruit, les êtres pris en charge,
- Les voiles et la condition de leur élimination. (IV, 5)
- Les dix terres sont la voie de la libération définitive
- Dont les deux accumulations forment la cause.
- Le fruit alors atteint est l’Éveil suprême
- Qui prend en charge l’Éveil au cœur des êtres. (IV, 6)
- Les innombrables affections principales et secondaires,
- Ainsi que leurs imprégnations, forment un voile.
- La condition qui à tout moment détruit
- [Les affections] est la grande compassion. (IV, 7)
- Voici six points dont vous saurez qu’ils comparent
- [Le processus des activités] à l’océan,
- Puis au soleil, ensuite à l’espace, à un trésor,
- Aux nuages et enfin au vent. (IV, 8)
- Les terres [des bodhisattvas] sont comparables à l’océan
- Parce qu’on y trouve l’eau de la sagesse et les joyaux des qualités.
- Les deux accumulations ressemblent au soleil
- Parce qu’elles sustentent tous les êtres. (IV, 9)
- L’Éveil est pareil à l’élément espace
- Parce qu’il est immense et n’a ni bords ni centre.
- On compare l’Élément des êtres à un trésor
- Parce qu’il a pour nature la bouddhéité authentique et parfaite. (IV, 10)
- Les affections évoquent les nuages parce qu’elles ne durent pas,
- Enveloppent toute chose et manquent de solidité.
- Enfin, la compassion est comparable à un vent irrésistible
- Parce qu’elle se tient prête à disperser [les affections]. (IV, 11)
- Les activités ne s’interrompront pas tant que le saṃsāra durera
- Parce que les bouddhas se libèrent avec le concours des autres,
- Parce qu’ils voient que tous les êtres sont leurs égaux
- Et parce que leur œuvre est inachevée. (IV, 12)
- Le Tathāgata est comparable à Indra,
- Au tambour [des dieux], à un nuage,
- À Brahma, au soleil, à un précieux joyau,
- À l’écho, à l’espace et à la terre. (IV, 13)
- Si le sol prenait l’aspect
- Du lapis-lazuli le plus pur,
- Cette pureté permettrait de voir
- Le seigneur des dieux parmi les jeunes déesses, (IV, 14)
- Le splendide palais de la Victoire Absolue
- Et d’autres divins séjours agrémentés
- De bâtisses magnifiques, ainsi que les objets
- Divins les plus divers. (IV, 15)
- À la vue de ces apparences,
- Les hommes et les femmes
- Qui peuplent la terre
- Forment le souhait (IV, 16)
- D’être comme le seigneur
- Des dieux avant longtemps.
- Pour y parvenir, ils adoptent
- La vertu et s’y tiennent pour de bon. (IV, 17)
- Même s’ils ignorent
- Que ce n’est là qu’une apparence,
- Leurs actes vertueux leur permettront
- De quitter la terre pour renaître chez les dieux. (IV, 18)
- Et même si cette apparence n’a absolument
- Aucune pensée et que rien ne l’ébranle,
- Il faut bien admettre que, sur la terre,
- Elle est de la plus grande utilité. (IV, 19)
- Ainsi, les êtres dont la foi et les autres qualités
- Ne sont pas souillées mais dûment cultivées
- Verront mentalement le parfait Bouddha,
- Paré des marques majeures et mineures, (IV, 20)
- Marcher, rester debout,
- S’asseoir et s’allonger,
- Se livrer aux activités les plus variées,
- Enseigner la vérité de la paix, (IV, 21)
- Se taire et méditer avant de manifester
- Des prodiges en tout genre
- Ces êtres verront ces hauts faits
- Dans leur majestueux éclat. (IV, 22)
- Ce qu’ayant vu, ils aspireront
- À la « bouddhéité » et s’y appliqueront.
- Ils adopteront les causes de l’état
- Auquel ils aspirent et ils l’atteindront. (IV, 23)
- Car, même si cette apparence n’a absolument
- Aucune pensée et que rien ne l’ébranle,
- Il faut bien admettre que, dans le monde,
- Elle est de la plus grande utilité. (IV, 24)
- Les êtres ordinaires ne savent pas que cette vision
- Est une perception au sein de leur propre esprit.
- Cependant, la vue de ces formes
- Leur procurera de grands bienfaits. (IV, 25)
- Petit à petit, les êtres qui s’en tiennent
- À ce véhicule-ci verront, du fait de cette vision,
- Le suprême corps absolu à l’intérieur d’eux-mêmes
- Avec l’œil de la sagesse primordiale. (IV, 26)
- Si la terre, débarrassée de tous ses lieux inquiétants,
- Prenait la belle clarté d’un pur lapis, si elle devenait lisse
- et présentait les perfections d’un joyau,
- Elle serait si pure que les divers séjours divins
- et la forme des dieux et de leur seigneur pourraient s’y refléter.
- Mais peu à peu le sol perdrait ces qualités,
- et les reflets dont il se parait disparaîtraient. (IV, 27)
- Pour atteindre l’état d’Indra, les hommes et les femmes suivraient
- les préceptes d’un jour et les règles de conduite. Ils opteraient
- pour le don et les autres vertus
- Et, formant de pieux souhaits, ils prieraient en répandant des fleurs
- et [en s’adonnant à d’] autres [dévotions]. (IV, 28ab)
- De même, pour atteindre l’état du Seigneur des Sages
- qui apparaît dans leur l’esprit pareil à un pur lapis-lazuli,
- Pleins d’une douce allégresse, les enfants des Vainqueurs
- engendrent l’esprit d’Éveil. (IV, 28cd)
- De même que sur le sol pur en lapis-lazuli
- Apparaît le reflet du seigneur des dieux,
- Sur le sol pur de l’esprit des êtres,
- Apparaît le reflet du Seigneur des Sages. (IV, 29)
- L’apparition ou la disparition de ces reflets dans le monde des êtres
- Se produit en fonction de l’état clair ou trouble de l’esprit de chacun.
- De même que les reflets [d’Indra]
- qui apparaissent dans le monde,
- Il ne faut pas voir [les apparences du Bouddha]
- comme si elles étaient et qu’elles ne sont plus. (IV, 30)
- Ainsi, chez les dieux, par le pouvoir
- Des actes blancs de leurs vies antérieures,
- Sans effort ni lieu [d’origine], sans esprit
- Ni forme, et sans la moindre pensée, (IV, 31)
- Le tambour du Dharma exhorte encore
- Et toujours les dieux insouciants,
- Au son des mots : impermanence,
- Souffrance, irréalité du soi et paix. (IV, 32)
- De même, l’Omniprésent est libre de l’effort
- Et des quatre autres points mais, de sa parole éveillée,
- Il imprègne tous les êtres sans exception
- Et enseigne le Dharma aux êtres fortunés. (IV, 33)
- De même que le son du tambour
- Des dieux émane de leurs actes,
- De même, les enseignements que le Sage
- A prodigués au monde émanent des actes de chacun. (IV, 34)
- De même que sans effort, sans lieu, sans corps
- Et sans esprit, le son du tambour établit la paix,
- De même, sans effort, sans lieu, sans corps
- Et sans esprit, ces enseignements établissent la paix. (IV, 35)
- De même que dans la ville des dieux, le son du tambour
- leur insuffle le don de l’intrépidité
- Lorsque, sous l’effet de leurs affections, les dieux se jettent
- dans la mêlée pour vaincre les antidieux ; et de même, encore,
- que le tambour met fin à leurs jeux,
- De même, dans notre monde, la concentration
- du Sans-Forme et les autres vertus concourent à la cause
- De l’expression de la voie suprême, laquelle écrase les affections
- qui torturent les êtres tout en apaisant leurs souffrances. (IV, 36)
- Universelle, bénéfique, source de bonheur,
- Dotée du pouvoir des trois prodiges,
- La voix du Sage est éminemment
- Supérieure aux cymbales des dieux. (IV, 37)
- Dans le monde des dieux, le son puissant du tambour
- Ne tombe pas jusqu’aux oreilles des terriens.
- Le tambour de la voix d’un bouddha résonne
- Jusqu’aux mondes souterrains du saṃsāra. (IV, 38)
- Dans le monde des dieux, les cymbales sonnent
- Par millions pour exacerber les flammes du désir.
- Les incarnations de la compassion n’ont qu’une seule voix
- Qui fait tout pour éteindre à jamais les flammes de la souffrance.
- (IV, 39)
- Dans le monde des dieux, le son des cymbales dont la beauté se double
- D’un charme exquis augmente l’agitation mentale habituelle.
- La parole des tathāgatas, compassion incarnée, incite
- À réfléchir et à méditer jusqu’au recueillement profond. (IV, 40)
- En bref, dans toutes les sphères du monde sans aucune exception,
- Chez les dieux comme ici-bas, toutes les matières à bonheur
- Reposent entièrement, dit-on, sur cette voix mélodieuse
- Que l’on perçoit, omniprésente, dans absolument tous les mondes.
- (IV, 41)
- De même que les malentendants
- Ne perçoivent pas les sons subtils
- Et que l’oreille divine elle-même
- N’entend pas tous les sons, (IV, 42)
- De même, les enseignements les plus subtils
- Relèvent de la sagesse primordiale, fine aussi,
- Mais ils atteindront seulement les oreilles
- D’une poignée de sages libres d’affections. (IV, 43)
- De même qu’en été les nuages
- Sont des gages d’abondantes récoltes
- Quand ils s’abattent sans effort
- En trombes d’eau sur la terre, (IV, 44)
- De même, des nuages de la compassion
- Tombe sans la moindre pensée
- La pluie des saints enseignements du Vainqueur
- Qui promet aux êtres des moissons de vertus. (IV, 45)
- De même que, le monde prenant le chemin de la vertu,
- Les nuages nés du vent se répandent en pluies,
- De même, pour accroître les vertus d’un monde
- où souffle le vent de l’amour,
- Des nuages de la bouddhéité tombe la pluie du vrai Dharma. (IV, 46)
- Plein de connaissance et d’amour pour le monde,
- Il trône au centre de l’espace, inaltéré par le changeant et l’immuable.
- Les nuages du Seigneur des Sages, qui consistent en l’eau pure
- des recueillements et des formules de mémoire,
- Produiront des moissons de vertus. (IV, 47)
- Fraîche, agréable, douce et légère,
- L’eau qui tombe des nuages
- Se charge d’un grand nombre de saveurs,
- Comme le salé, au contact de la terre. (IV, 48)
- De même, la pluie de l’octuple sentier des êtres sublimes
- Qui jaillit des immenses nuées de la compassion
- Aura autant de goûts différents
- Qu’il y a de formes d’esprit chez les êtres. (IV, 49)
- Ceux qui ont foi dans le véhicule suprême,
- Ceux qui restent neutres et ceux qui lui sont hostiles
- Forment trois groupes d’êtres comparables
- À des êtres humains, des paons et des prétas (IV, 50)
- À la fin du printemps, les hommes et les oiseaux
- qui ne volent pas souffrent de l’absence des nuages,
- Alors que les prétas pâtissent des pluies d’été qui s’abattent sur la terre.
- De même, suivant que, des nuées de la compassion,
- l’eau des enseignements jaillit ou non,
- Ceux qui, dans les mondes, aspirent au Dharma
- et ceux qui lui sont hostiles correspondent
- aux éléments de la comparaison. (IV, 51)
- Quand s’abattent sur la terre de grosses gouttes de pluie,
- des pierres brûlantes ou des flammes de diamant,
- Les nuages ne se soucient pas plus des petites bêtes
- que de celles qui se sont réfugiées dans la montagne.
- Les gouttes, des plus petites aux plus grosses,
- qui tombent des nuages de l’amour et de la connaissance
- Ne se soucient absolument pas des affections qu’elles purifient
- ni de la tendance à voir un soi. (IV, 52)
- Dans le cercle sans commencement des morts et des renaissances,
- les êtres suivent cinq voies
- Mais, de même qu’il n’y a pas de bonnes odeurs dans les excréments,
- il n’y a jamais de bonheur dans les cinq destinées.
- Cette souffrance permanente née de la rencontre
- avec les armes, le feu, le sel et d’autres supplices encore
- S’apaise quand, des nuées de la compassion, tombe
- une abondante pluie de vrai Dharma. (IV, 53)
- Comme ils ont compris que les dieux souffraient de la déchéance
- [qui suit leur mort] et les hommes de la quête effrénée [du plaisir],
- Les sages n’aspirent pas aux suprêmes pouvoirs des dieux
- et des hommes.
- Grâce à la connaissance supérieure et aux paroles du Tathāgata
- qu’ils ont suivies avec foi,
- Ils voient avec sagesse que « ceci est la souffrance,
- cela en est la cause, et cela la cessation ». (IV, 54)
- De même qu’il faut reconnaître la maladie et en éliminer la cause
- En prenant des remèdes qui rétabliront la santé,
- Il faut reconnaître la souffrance, en éliminer la cause
- Et réaliser sa cessation en empruntant la voie. (IV, 55)
- De même que, sans quitter son palais,
- Brahma manifeste des apparences
- De lui-même dans tous les lieux divins
- Sans fournir le moindre effort, (IV, 56)
- De même, sans quitter le corps absolu
- Et sans effort, le Sage montre des apparences
- De lui-même dans toutes les sphères
- Aux êtres assez fortunés pour cela. (IV, 57)
- De même que, sans jamais quitter son palais,
- Brahma se manifeste dans le monde du Désir
- À la vue des dieux et qu’à cette vision, ces derniers
- se détournent des objets [de plaisir],
- De même, sans quitter le corps absolu, le Bien-Allé s’introduit
- dans toutes les sphères du monde
- Où les êtres fortunés le voient, et cette vision leur permet
- d’éliminer toutes leurs souillures à jamais. (IV, 58)
- Par le pouvoir de ses propres souhaits antérieurs
- Et celui des actes vertueux des êtres divins,
- Brahma se manifeste sans effort. De même en est-il
- Pour les corps d’apparition de celui qui est né de lui-même. (IV, 59)
- Le départ [de Tuṣita], l’entrée dans la matrice, la naissance,
- l’arrivée au palais de son père,
- Les jeux de l’amour, la quête solitaire, le triomphe sur Māra,
- L’obtention de l’Éveil le plus grand
- et l’art de guider sur la voie de la paix
- Quand il eut tout montré, le Sage disparut
- de la vue des êtres infortunés. (IV, 60)
- Le soleil brûle tout. Au même instant, le lotus et d’autres fleurs
- S’ouvrent tandis que le nénuphar blanc se referme.
- Ces [fleurs] nées de l’eau ont la qualité de s’ouvrir
- et le défaut de se refermer,
- Mais l’astre n’y pense pas : de même le soleil de l’être sublime. (IV, 61)
- De même que, sans y penser,
- En émettant soudain sa lumière,
- Le soleil fait s’ouvrir les lotus
- Et mûrir d’autres [plantes], (IV, 62)
- De même, les rayons de vrai Dharma
- Du soleil du Tathāgata
- S’infiltrent sans la moindre pensée
- Dans les lotus des êtres qu’il peut aider. (IV, 63)
- Avec le corps absolu et les corps formels,
- Le soleil de l’Omniscient qui s’élève
- Dans l’espace de la quintessence de l’Éveil
- Darde ses rayons de sagesse sur les êtres. (IV, 64)
- Tous les êtres sensibles au Dharma du Bien-Allé
- Sont comparables à des coupes d’eau pure
- Où les innombrables reflets du soleil du Bouddha
- Apparaissent tous au même instant. (IV, 65)
- Au cœur de l’espace de la dimension absolue
- Qui tout embrasse à jamais,
- Le soleil du Bouddha brille sur les montagnes
- Des disciples à proportion de leurs mérites. (IV, 66)
- De même qu’en se levant le soleil répand sa lumière immense
- Et ses rayons par milliers en éclairant tout
- dans les mondes avant de se poser
- Par paliers sur les montagnes les plus hautes,
- les moyennes et enfin les plus basses,
- De même, le soleil du Vainqueur brille progressivement
- sur tous les êtres. (IV, 67)
- Le soleil ne rayonne pas jusqu’au fond de l’espace dans tous les univers
- Et il ne peut même pas montrer le sens d’un objet
- retenu sous les ténèbres de l’ignorance.
- La compassion incarnée éclaire tout et montre aux êtres
- le sens des choses
- Avec des lumières rayonnant de toutes les couleurs. (IV, 68)
- Quand le Bouddha se rend au village, les individus
- privés de la vue voient.
- Libérés de toute chose insensée, ils voient le sens et,
- mieux, ils l’éprouvent.
- Aveuglés par l’ignorance, les êtres aux prises avec l’océan des existences
- sont enveloppés par les ténèbres des vues fausses,
- Mais, à la lumière du soleil d’un bouddha, ils verront
- ce que leur esprit ne pouvait pas voir jusque-là. (IV, 69)
- De même que le Joyau magique,
- Exauce chacun de tous les désirs
- De ceux qui se trouvent dans sa sphère
- Instantanément et sans y penser, (IV, 70)
- De même, quand ceux dont les désirs diffèrent
- S’en remettent au Joyau magique du Bouddha,
- Ils entendent toute une variété d’enseignements
- Dont le Bouddha n’a pas conçu le moindre. (IV, 71)
- De même que le Joyau magique procure
- Sans effort ni pensée les richesses désirées,
- Le Sage restera dans le monde tant que celui-ci durera,
- Pour le bien des autres, sans effort
- et à proportion de leurs mérites. (IV, 72)
- De même que, pour qui le désire en ce monde,
- Il est difficile de trouver le bon Joyau dans l’océan ou sous la terre,
- Il faut de même savoir que, pour l’infortuné
- dont l’esprit est pris par les affections,
- La vision du Bouddha est chose difficile. (IV, 73)
- De même que le son de l’écho,
- Qui jaillit de la perception des êtres
- N’a pas de pensées, n’est pas fabriqué
- Et ne se tient pas plus dedans que dehors, (IV, 74)
- De même, la parole des bouddhas,
- Qui jaillit de la perception des êtres,
- N’a pas de pensées, n’est pas fabriquée
- Et ne se tient pas plus dedans que dehors. (IV, 75)
- Immatériel, inapparent,
- Introuvable, sans appui,
- Bien au-delà du visible,
- Sans forme, impossible à montrer, (IV, 76)
- Et pourtant vu là-haut ou là-bas,
- L’espace n’est ni haut ni bas.
- De même, le Bouddha n’est pas
- Comme tout ce que l’on peut voir de lui. (IV, 77)
- De même que tout ce qui naît de la terre
- Prend appui sur la terre, qui n’a pas de pensées,
- Pour croître, se renforcer et s’épanouir, (IV, 78)
- De même, prenant appui sur la terre
- Du parfait Bouddha, laquelle n’a pas de pensées,
- Les racines de bien des êtres
- Croîtront toutes sans exception. (IV, 79)
- Comme on n’a jamais vu d’activité
- S’accomplir sans le moindre effort,
- Neuf exemples ont été enseignés
- Pour trancher les doutes des disciples. (IV, 80)
- Ces neuf exemples
- Ont été présentés en détail
- Dans un soûtra dont le nom
- Seul évoque le propos. (IV, 81)
- Parés de l’immense éclat lumineux
- De la connaissance issue de l’étude,
- Les sages accéderont vite à toutes
- Les sphères d’activité des bouddhas. (IV, 82)
- Le reflet d’Indra sur un sol de lapis-lazuli
- Et huit autres exemples
- Ont été donnés à cette fin,
- Dont on retiendra le résumé : (IV, 83)
- Apparition, parole, omniprésence,
- Manifestation, rayonnement de la sagesse,
- Secrets de l’esprit, de la parole et du corps,
- Et obtention d’une nature compatissante. (IV, 84)
- L’esprit éveillé, où tous les flots de l’effort
- Se sont calmés, n’a aucune pensée
- Comme l’apparition du reflet d’Indra sur le sol
- De lapis-lazuli immaculé et ainsi de suite. (IV, 85)
- L’apaisement de l’effort constitue la thèse ;
- L’absence de pensées dans l’esprit, la preuve ;
- Et pour l’indiscutable conclusion du sujet de discussion,
- Le reflet d’Indra et les huit autres comparaisons. (IV, 86)
- Voici le sens du présent chapitre
- L’apparition et les huit autres cas
- Opèrent sans que l’Instructeur, libre de la naissance
- Et de la mort, ne fasse d’efforts. (IV, 87)
- Ce qui, tant que dure le monde, accomplit le bien des autres
- Sans effort – comme Indra, le tambour, les nuages,
- Brahma, le soleil, le précieux roi des Joyaux magiques,
- L’écho, l’espace et la terre –, tout cela, les yogis le connaissent. (IV, 88)
- [L’Instructeur] est comparable au reflet d’Indra
- dans une pierre précieuse.
- Comme le tambour des dieux, il excelle à instruire.
- Les nuées d’amour et de connaissance de l’omniprésent seigneur
- Enveloppent l’infinité des êtres jusqu’au sommet du devenir. (IV, 89)
- Tel Brahma, il se manifeste dans de multiples apparitions
- sans quitter son séjour immaculé.
- Comme le soleil, il rayonne de l’éclat de la sagesse
- Et son esprit éveillé ressemble au très pur
- et très précieux Joyau magique. (IV, 90)
- Comme l’écho, la parole des Vainqueurs se passe de mots.
- Semblable à l’espace, leur corps est omniprésent,
- dépourvu de forme et permanent.
- Pareil à la terre, le niveau de bouddha est toujours
- Le fondement de tous les remèdes favorisant
- les qualités pures des êtres. (IV, 91)
- La cause de la vision d’un bouddha n’est autre
- Qu’un esprit qui a la pureté du lapis-lazuli.
- Cette pureté vient du pouvoir accru
- D’une confiance irréversible. (IV, 92)
- La vertu apparaissant et disparaissant,
- La forme des bouddhas apparaît et disparaît.
- Comme Indra, le corps absolu du Sage
- N’apparaît ni ne disparaît. (IV, 93)
- Ainsi, tant que le monde durera,
- [Le Sage] apparaîtra et exercera ses activités
- Sans effort à partir du corps absolu
- Qui ignore la naissance et la cessation. (IV, 94)
- Ce résumé des activités en neuf comparaisons
- Est donné dans un ordre tel
- Que les inexactitudes d’une comparaison
- N’apparaissent plus dans la suivante. (IV, 95)
- Le Bouddha est comparable à un reflet
- Mais il en diffère car les reflets n’ont pas de voix.
- Il est comparable au tambour des dieux mais en diffère
- Parce que les tambours ne font pas le bien en tout lieu. (IV, 96)
- Il est comparable à un grand nuage mais en diffère
- Parce que les nuages n’éliminent pas les graines inutiles.
- Il est comparable au Grand Brahma mais en diffère
- Parce que Brahma ne fait pas mûrir à jamais. (IV, 97)
- Il est comparable au soleil mais en diffère
- Parce que le soleil ne vainc pas les ténèbres une bonne fois pour toutes.
- Il est comparable au Joyau magique mais en diffère
- Parce qu’il n’est pas difficile de trouver ce joyau. (IV, 98)
- Il est comparable à l’écho mais en diffère
- Parce que l’écho est un phénomène conditionné.
- Il est comparable à l’espace mais en diffère
- Parce que l’espace n’est pas le terrain des vertus. (IV, 99)
- Comme il forme le fondement où se tiennent
- Toutes les perfections mondaines
- Et supramondaines sans la moindre exception,
- On le compare au cercle de la terre. (IV, 100)
- Comme la voie supramondaine se présente
- Par le fait de l’Éveil des bouddhas,
- La voie des actes vertueux, les concentrations,
- Les immensurables et le Sans-Forme se présentent aussi. (IV, 101)
- Ici prend fin le quatrième chapitre, « Les Activités éveillées des tathāgatas »
- du Traité de la Continuité suprême du Grand Véhicule, analyse de la filiation
- spirituelle des Trois Joyaux.
V - LES BIENFAITS DU PRÉSENT ENSEIGNEMENT
- L’Élément des bouddhas, l’Éveil des bouddhas,
- Les qualités des bouddhas et les activités des bouddhas
- Sont inconcevables même pour les êtres purs.
- Ils relèvent de la sphère de nos guides. (V, 1)
- Les sages qui aspirent au domaine des Vainqueurs
- Seront les réceptacles de toutes les qualités éveillées ;
- Comme toutes ces inconcevables qualités les réjouissent,
- Leurs mérites éclipsent ceux de tous les autres êtres. (V, 2)
- Imaginez un être attiré par l’Éveil qui offrirait constamment
- aux souverains du Dharma,
- Jour après jour, des champs d’or incrustés de joyaux
- en nombre égal aux atomes de tous les champs de bouddhas.
- Imaginez maintenant un autre être qui n’aurait entendu
- qu’un seul mot [du présent traité] et qu’en l’entendant il y ait cru
- Cet être en tirera beaucoup plus de mérites qu’on en tirera
- de la vertu de générosité [ci-dessus évoquée]. (V, 3)
- Il y a des êtres intelligents qui, aspirant à l’Éveil suprême,
- observent sans effort,
- Durant d’innombrables ères, une parfaite discipline
- du corps, de la parole et de l’esprit ;
- Et il y en a d’autres qui n’entendent qu’un seul mot
- [du présent traité] et qui, l’entendant, y croient
- Ces derniers en tireront beaucoup plus de mérites
- qu’on en tirera de la vertu de discipline [ci-dessus évoquée]. (V, 4)
- Il y a ici-bas des individus qui pratiquent les concentrations
- qui éteignent le feu des affections dans les trois mondes,
- Et, arrivés au terme du domaine des dieux et de Brahma,
- cultivent les immuables méthodes de l’Éveil parfait.
- Il y en a d’autres qui n’entendent qu’un seul mot
- [du présent traité] et qui, l’entendant, y croient
- Ceux-là en tireront beaucoup plus de mérites
- qu’on en tirera de la vertu de concentration [ci-dessus évoquée]. (V, 5)
- La générosité ne fait qu’assurer les richesses matérielles ;
- La discipline ne conduit qu’à une renaissance heureuse ;
- Et la méditation ne peut que repousser les affections
- La connaissance les surpasse toutes parce qu’elle élimine
- les voiles émotionnel et cognitif, et qu’elle a pour cause
- la présente étude. (V, 6)
- La base, sa transformation, ses qualités
- Et le bien qu’elle accomplit : ces quatre objets
- De la connaissance des Vainqueurs
- Ont été expliqués dans le présent traité. (V, 7)
- Les êtres intelligents, confiants dans l’existence,
- Les capacités et les qualités de cette base,
- Auront sans tarder la bonne fortune
- D’atteindre l’état de tathāgata. (V, 8)
- « Cet objet inconcevable existe bien ;
- Mes semblables et moi, nous pouvons l’atteindre ;
- Le fait de l’atteindre possède telles et telles excellences »
- Ces êtres sont animés d’une aspiration dictée par la foi, (V, 9)
- Et l’esprit d’Éveil – réceptacle de détermination,
- De persévérance, de mémoire, de concentration,
- De connaissance et d’autres qualités encore –
- Les accompagne toujours. (V, 10)
- Comme [l’esprit d’Éveil] les accompagne toujours,
- Les enfants des Vainqueurs ne régressent jamais.
- Ils accomplissent les vertus liées aux mérites
- Et les conduisent à leur pleine pureté. (V, 11)
- Ils n’ont aucune idée des trois pôles de l’acte
- Quand ils s’adonnent aux cinq vertus liées aux mérites,
- Si bien que pour parfaire et purifier,
- Il leur suffit d’écarter les facteurs contraires. (V, 12)
- Le mérite né du don, c’est la générosité,
- Et le mérite né de la moralité, la discipline ;
- La patience et la concentration sont toutes deux
- des effets de la méditation.
- La persévérance peut s’appliquer à toutes. (V, 13)
- La pensée qu’un acte ait trois pôles
- Peut définir le voile cognitif.
- De l’avarice et des autres pensées,
- On dit qu’elles forment le voile émotionnel. (V, 14)
- Il n’y a que la connaissance qui puisse
- Éliminer les deux voiles. C’est pourquoi
- La connaissance est suprême.
- Sa racine étant l’étude, l’étude est suprême aussi. (V, 15)
- J’ai donné ces explications en m’aidant de textes
- et de raisonnements dignes de confiance
- Dans la seule intention de me purifier moi-même.
- Je l’ai fait aussi pour prendre soin des êtres dont l’intelligence
- Est dotée de la parfaite vertu de l’aspiration. (V, 16)
- De même qu’à la lumière d’une lampe, d’un éclair, d’un joyau,
- Du soleil ou de la lune, ceux qui ont des yeux voient,
- De même, j’ai donné toutes ces explications par la grâce du Sage
- qui répand sa lumière
- Sur les enseignements, leur sens, leur expression verbale
- et l’assurance du discours. (V, 17)
- Une parole pourvue d’un sens et liée au Dharma
- Qui tend à chasser les affections des trois mondes
- Et montre les bienfaits de la paix : telle est
- La parole du grand Sage. Ses contraires sont autres. (V, 18)
- Ce que, relevant uniquement des enseignements du Vainqueur,
- Un esprit libre de distraction explique
- En accord avec la voie qui mène à la libération,
- On le porte au sommet de sa tête comme la parole du Sage. (V, 19)
- Personne au monde n’est plus sage que le Vainqueur,
- Nul autre que lui n’a l’omniscience qui connaît avec exactitude
- la totalité des choses et leur suprême réalité.
- Aussi ne faut-il pas mélanger les soûtras disposés par le Sage lui-même
- Car, en détruisant la méthode du Sage,
- on nuirait gravement au vrai Dharma. (V, 20)
- Avec leurs vues d’attachement, les ignorants
- qu’aveuglent leurs affections
- Bafouent les êtres sublimes et dénigrent leurs enseignements.
- N’allez donc pas souiller votre esprit à ces vues d’attachement
- On teinte le tissu propre et non les tissus tachés de graisse. (V, 21)
- Le manque d’intelligence comme d’aspiration à la vertu,
- le maintien d’une fierté mal placée,
- Une nature obscurcie par la pauvreté en vrai Dharma,
- la confusion du sens provisoire et du sens définitif,
- L’appât du gain, le pouvoir des opinions, la fréquentation
- de ceux qui déprécient le Dharma,
- L’éloignement des détenteurs du Dharma et le manque d’aspiration
- voilà dix raisons qui privent de l’enseignement
- des Destructeurs de l’Ennemi. (V, 22)
- Plus que le feu, le poison d’un terrible serpent, l’assassin ou la foudre,
- Les sages craindront le déclin des enseignements profonds.
- Le feu, le serpent, l’ennemi et la foudre ne font que prendre la vie ;
- Ils ne conduisent pas dans l’effroyable destinée
- des Tourments Insurpassables. (V, 23)
- L’individu qui, influencé par ses fréquentations malsaines,
- a eu de mauvaises pensées à l’endroit du Bouddha,
- A commis l’inadmissible en tuant son père, sa mère ou un arhat,
- et qui crée un schisme dans l’assemblée suprême,
- Celui-là aussi s’affranchira vite de ces [crimes]
- dès lors qu’il réfléchira vraiment à l’essence du réel.
- Mais comment se libérera celui qui hait le Dharma ? (V, 24)
- Par les vertus que j’ai acquises en expliquant correctement
- les sept points du présent traité –
- Les Trois Joyaux, l’Élément purifié, l’Éveil immaculé,
- les qualités et les activités éveillées –,
- Puissent les êtres voir le sage Amitāyus, détenteur de l’infinie lumière,
- Et, l’ayant vu, atteindre l’Éveil suprême
- grâce à la pureté de l’œil du Dharma ! (V, 25)
- Quatre strophes expliquent
- Sur quelle base, pour quelles raisons,
- Sur quel mode a lieu l’explication,
- Ce qui en est l’objet et ce qui lui correspond. (V, 26)
- Deux strophes enseignent les moyens
- De se purifier soi-même. Une strophe
- Donne les causes du déclin, dont les effets
- Occupent les deux strophes suivantes. (V, 27)
- L’expression résumée des qualités de patience
- Dans le maṇḍala de l’entourage et de l’obtention
- De l’Éveil, qui sont les deux aspects du fruit,
- Font l’objet de la dernière [strophe]. (V, 28)
- Ici prend fin le cinquième chapitre, « Les bienfaits », du Traité de la
- Continuité suprême du Grand Véhicule, analyse de la filiation spirituelle des
- Trois Joyaux.
- Colophon
- Traduit par le paṇḍita et grand érudit Sajjana, petit-fils du brahmane
- Ratnavajra, grand érudit de la cité d’Anupamapura, et par le traducteur et
- moine bouddhiste Lodèn Shérab, dans l’Incomparable Cité.